Articles & Interview Précarité logement Publication le 24.11.2025

CHRS : un projet photo pour libérer la parole contre les violences faites aux femmes

CHRS bis

À Fréjus, le Centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) Les Adrets du Var accueille et accompagne des personnes en situation de précarité et de vulnérabilité sur le territoire avec un accueil en diffus et un hébergement regroupé, ainsi que d’autres dispositifs d’accès au logement. Il dispose également de mesures spécifiques pour les femmes victimes de violences. Dans ce cadre, un projet autour de l’art photographique a pu être mené, permettant à des femmes de s’exprimer.

La genèse d’un projet artistique et d’un espace d’expression

Implanté sur l’ensemble du département du Var, le CHRS dispose de places dédiées aux femmes victimes de violences conjugales. Sa mission ? Permettre une mise à l’abri des femmes victimes accompagnées de leurs enfants, tout en assurant un accompagnement personnalisé, adapté à la complexité de chaque situation.

Début 2024, l’établissement a ainsi été sollicité par la Déléguée départementale aux droits des femmes, avec laquelle il a l’habitude de travailler depuis des années, afin de participer à un événement pour les journées internationales de lutte contre les violences faites aux femmes. L’objectif est alors d’organiser une journée avec une table ronde, des stands et des échanges pour marquer les esprits et mettre en lumière le sujet.

À l’issue d’une réflexion collective menée par l’équipe et les personnes accueillies, une idée émerge : réaliser une exposition photographique autour de la thématique « la violence conjugale et le corps des femmes ».
Avec quatre travailleurs sociaux de l’établissement, un groupe de six femmes volontaires se forme et s’engage dans un projet au long cours pour parvenir, à travers l’art de la photographie, à prendre la parole et préparer une exposition.

La dynamique du groupe formé a permis à chaque femme de s’exprimer autour des violences subies au travers de leur propre vécu et ressenti ; la photographie devenant le support, l’outil, permettant le recueil de cette expression. Pour certaines, il s’agissait de montrer les conséquences de la violence sur leur corps avec les coups et les bleus, pour d’autres de matérialiser la violence vécue lors du départ du domicile dans l’urgence, ou encore les cris et les larmes versés dans ces moments de crise. 

Valérie Perez, Cheffe de Service Est

C’est une belle expérience d’avoir pu réaliser ce projet. Le fait de participer avec des photos qui représentent le mal que j’ai vécu, ça m’a fait comme une séance de thérapie, ça m’a bien soulagée !

Une participante

Des ateliers participatifs autour de l’art de la photographie

Un studio photo et des ateliers réguliers se mettent en place au sein des bureaux du CHRS. Les participantes se prennent au jeu, multiplient les shootings et les mises en scène, parfois avec le personnel de l’établissement lorsqu’elles ne souhaitent pas s’exposer elles-mêmes.

Les moments sont forts, la parole se libère et toute une émulation se crée : les femmes partagent leur vécu, s’exposent au regard d’autres femmes et des professionnels, avant de devoir partager le résultat à un public plus large. Par l’intermédiaire de l’art photographique, elles se rassemblent, vivent des moments forts et font un travail important sur elles et les traumatismes traversés.

« Cela a pu créer du lien, libérer la parole de ces femmes, leur donner une place dans la société, leur permettre d’exister aussi par ce qu’elles ont vécu et d’être sources de témoignages et d’inspirations pour d’autres. »
Valérie Perez, Cheffe de Service Est

Tout au long du projet et des ateliers, les équipes du CHRS ont joué un rôle essentiel et fait preuve d’une grande implication. Chaque professionnel a pu apporter sa touche à la démarche (photographie, écriture, vision artistique…), en plus de tisser un lien de qualité avec les personnes accompagnées.

« Je remercie toute l’équipe qui a travaillé sur ce projet… c’était une belle expérience, j’aurais aimé faire encore plus de photos ! »
Une participante

Une exposition pour libérer la parole et lutter contre les violences faites aux femmes

À l’issue des ateliers, une vingtaine de photos sont sélectionnées et tirées, en grand format, pour être exposées dans une grande salle à Toulon lors de la journée organisée par la Déléguée départementale aux droits des femmes. Un événement ouvert à tous auquel les femmes participantes étaient également conviées pour présenter leur travail au grand public : l’occasion pour elles d’échanger avec des professionnels, des visiteurs, mais aussi d’autres femmes victimes de violences.

L’exposition a été très appréciée. Nous étions tous fiers du parcours traversé et du résultat. Même si elles sont dures, fortes, les photos sont particulièrement belles. Cela peut donner l’envie ou la force à des femmes d’affronter les violences, de partir d’un lieu de violence pour tenter de vivre autre chose.

Valérie Perez, Cheffe de Service Est

Si le projet a demandé une forte mobilisation et beaucoup d’investissement de la part des parties prenantes, il a aussi apporté énormément, notamment en permettant à chaque femme de s’exprimer autrement que par la parole.

« J’étais trop contente de participer à ce projet ! Cela m’a donné l’occasion de m’exprimer, de dire ce que je voulais dire et faire sortir de mon cœur depuis bien longtemps ! »
Une participante

L’arrivée de la pair-aidance au CHRS

À l’issue du projet, Les Adrets du Var a décidé de mettre en place la pair-aidance : désormais, chaque femme victime de violence conjugale accueillie est mise en lien avec une personne volontaire déjà accompagnée. Alors que les personnes arrivent souvent en urgence, qu’elles sont désectorisées pour créer de la distance avec la violence, qu’elles n’ont aucun repère et ne connaissent personne, elles bénéficient ainsi d’un soutien direct par un pair pour être rassurées et accompagnées.

« Le projet a mis en valeur ces femmes. Cela les a aidées à se sentir moins seules, leur a apporté du lien social, de la confiance et une meilleure estime de soi. En dépassant la question des violences, en acceptant de s’exposer au grand public, ces femmes ont dépassé le sentiment de honte qu’elles ont pu ressentir, les sentiments de dévalorisation et, ainsi, libéré la parole. »
Valérie Perez, Cheffe de Service Est

L’art de la photographie a permis à des femmes victimes de violences de s’exprimer, à leur manière, et de donner de la visibilité à cette problématique importante. Des liens se sont créés, des femmes se sont libérées, et l’établissement a pu expérimenter une nouvelle approche qui a inspiré la pair-aidance et qui pourrait ouvrir la voie à d’autres projets artistiques !